De l'utilité des instructions et du juge d'instruction...
Les développements récents de l'affaire Bettencourt, et plus particulièrement l'ordre donné par le procureur général de Versailles (donc par la chancellerie) au procureur de Nanterre d'ouvrir une information judiciaire pour suivre les différentes enquêtes préliminaires qu'il conduisait sur cette affaire me semble devoir donner lieu à deux observations, (il est vrai toutes deux conduites par l'idée, vraie ou fausse mais largement partagée, que cette ouverture d'information judiciaire était plus que nécessaire pour de nombreuses raisons et n'avait que trop tardée.)
- La première observation, un peu ironique, est que, les mêmes promoteurs de l'indépendance des procureurs de la République, voient soudainement avec faveur que des instructions impératives puissent lui être transmises dans certaines circonstances... Sans doute devraient-ils en tirer quelques leçons et se demander si cet exemple - et d'autres - ne devrait pas les amener à s'interroger sur la pertinence du modèle qu'ils promeuvent, modéle consistant à instaurer en France autant de vices-rois judiciaires qu'il y a de parquets, en oubliant que chacun des procureur ainsi indépendant peut lui-même avoir des actions contestables, voire inopportunes et que l'indépendance politique n'est pas toujours synonyme de sagesse ni d'infaillibilité...
- La seconde me conduit à constater que cette affaire illustre à merveille ce que l'on pouvait prévoir (et ce que de nombreux magistrats m'ont dit en privé) : à savoir que la suppression du juge d'instruction est sans doute logique dans 99,9 % des affaires dans lesquelles sa valeur ajoutée est du reste d'ores et déjà pratiquement nulle, mais que ce juge reste indispensable pour les 0,1 % d'affaires restantes dans lesquelles le pouvoir - à tort ou à raison - se trouve soupçonné de "conflit d'intérêts (tiens, un autre sujet à la mode sur lequel il faudrait que je fasse un billet...). A cet égard, force est d'admettre que l'avant-projet de code de procédure pénale - il est vrai sans doute largement mort-né - ne répondait aucunement aux inquiétudes légitimes exprimées à cet égard par les uns ou par les autres. Le vrai paradoxe est du reste que la disparition totale du juge d'instruction pour ce type d'affaires aurait sans doute principalement desservi le pouvoir en place en ne lui permettant pas de "détourner" sur un juge les quelques affaires dans lesquelles il n'a en réalité aucune envie d'être impliqué, quels que soient les fantasmes plus ou moins véhiculés par les médias...