La réforme ratée du règlement de l'Assemblée Nationale
L'Assemblée Nationale vient d'adopter une modification de son règlement, elle devra encore être examinée par le conseil constitutionnel avant de pouvoir entrer en application). Tout "praticien" du parlement connait l'importance de ce règlement (et de son équivalent au Sénat) qui régit le fonctionnement des Assemblées et la procédure à suivre lors des discussions parlementaires. On dit parfois que ces règlements sont plus importants que la constitution même... C'est sans doute un peu abusif mais, concrètement, il faut bien admettre que les questions liées à l'application de ces règlements (qui ne se limitent pas aux fameux "rappels au règlement"), sont nettement plus fréquentes que celles liées à l'application de la constitution. En tout cas, tout parlementaire et/ou ministre sait que le bon usage du règlement peut parfois permettre de sauver un texte ou au contraire de l'enliser définitivement...
Sur le fond, on ne peut qu'être déçu de la timidité des réponses apportées à la crise de fonctionnement du parlement. Du reste, même le débat sur ce texte n'aura pas été un modèle du genre avec notamment un rapport de la commission des lois rectifé ce matin, le jour même de la discussion en fonction des états d'âme de la majorité ...
Au plan des méthodes de travail, les tensions au sein de la majorité semblent avoir eu raison des innovations les plus intéressantes du projet "Debré". Il reste que les "commissaires du gouvernement" (c'est à dire les fonctionnaires du gouvernement qui, comme je l'ai été et le suis encore parfois, assistent un Ministre lors des discussions parlementaires) apprécieront tout particulièrement la nouvelle règle imposant (sauf exceptions) que les amendements des parlementaires soient déposés au plus tard la veille de la discussion (au lieu de pouvoir être déposé jusqu'au début de la discussion générale, comme aujourd'hui, ce qui oblige parfois à étudier - si l'on peut dire - plusieurs centaines d'amendements déposés au dernier moment...).
Au plan des principes, on notera une innovation qui a largement fait débat, celle de la création d'une "déclaration d'appartenance" des différents groupes parlementaires à la majorité ou à l'opposition. L'intention est sans doute légitime (il s'agit de mettre en place une ébauche de "statut" de l'opposition, ce qui nécessite logiquement de commender par définir celle-ci). Mais on peut légitimement s'interroger sur une telle innovation (vigoureusement combattue par l'UDF pour des raisons évidentes) s'inscrivant dans une logique de République parlementaire mais qui, paradoxalement, pourrait réduire encore la place du parlement dans une République présidentielle (en imposant une discipline plus stricte des greoupes parlementaires).
Au total, beaucoup de travail et d'efforts (notamment du président Debré) pour pas grand chose.
Il faut reconnaître que la situation actuelle est sans doute tellement confortable. Pour les parlementaires, d'autant plus irresponsables qu'il sont sans influence réelle. Pour le Gouvernement qui, grâce à l'inefficacité du parlement n'est pas réellement contrôlé, ce qui n'est pas nouveau, mais en vient même à s'attribuer de façon récurrente les pouvoirs législatifs, ce qui l'est d'avantage : le nombre de dispositions prises par ordonnances au cours de la présente législature semble avoir désormais dépassé celui de celles votées par le parlement...