La réforme ratée du règlement de l'Assemblée Nationale (2ème suite)
Tout (ou presque) est dit sur cette décision dans le billet qui y est consacré sur le blog de Frédéric Rolin. Néanmoins, à la réflexion et au risque de me contredire moi-même, la lecture de son article (et la relecture des miens d'hier et du 7 juin) et d'autres, tels que celui du "silence des lois") me conduit à un exprimer une interrogation polémiste (et un peu désabusée) sur les difficultés de réforme de notre pays :
- Sans doute ai-je moi-même considéré que l'importance de l'enjeu valait sans doute plus qu'une réforme du règlement de l'Assemblée Nationale, mais après tout, est-ce bien sûr ? Le "statut" de l'opposition existe dans de nombreux pays (et notamment aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Espagne ou en Allemagne) sans que, à ma connaissance, dans aucun de ces pays, celà ne repose sur une base constitutionnelle ... Or, d'une part la réforme envisagée n'était pas révolutionnaire dans ses conséquences (après tout, elle visait à conférer des droits supplémentaires à l'opposition) et, d'autre part, elle s'appuyait sur au moins un précédent législatif. Enfin et surtout, est-il vraiment choquant que ce soit le parlement - organe constitutionnel de confrontation entre la majorité et l'opposition - qui prenne l'initiative de ce type de réforme et en apprécie le bien-fondé ? Je ne vais pas me lancer dans une diatribe contre le "gouvernement des juges", mais le conseil est-il plus légitime que l'Assemblée pour porter une appréciation sur un point qui est tout de même essentiellement politique ?
- Sur le fond, je n'étais pas enthousiaste devant la réforme proposée et je crois l'avoir dit clairement. Il reste que, dans un pays "bloqué" comme la France, on ne peut qu'être inquiet de voir toute initiative de changement torpillée dès son lancement, surtout pour des motifs qui ne tombent pas sous le coup de l'évidence. Dans le cas présent, quoi que j'en pense moi-même sur le fond, force est de constater que le raisonnement juridico-constitutionnel qui l'a sanctionné ne résulte pas d'une forme de "contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation" mais découle d'une interprétation d'autorité (et pratiquement pas motivée) du conseil constitutionnel. Il eût été facile de rédiger une décision en sens opposé avec une motivation toute aussi "convaincante".... Notre droit constitutionnel est-il vraiment aussi impérialiste qu'il faille le modifier pour pouvoir conférer à l'opposition un droit à être représentée à la présidence ou au rapport d'une commission d'enquête ? alors même que, dans le même temps, chacun s'accorde pour constater que les bouleversements constitutionnels à répétition ruinent la notion même de constitution ...
Question impertinente à l'égard du conseil constitutionnel (et de moi-même, car je crains que plusieurs de mes raisonnements puissent subir la même critique) : dans ce cas comme dans d'autres, la solution juridique adoptée ne dissimule t-elle pas en fait le choix plus profond d'une politique de conservatisme ?