Inflation, garde à vue et libertés publiques
L’actualité judiciaire est suffisamment faste pour que j’y consacre mon 3ème billet depuis ma sortie de coma avec cette hallucinante procédure engagée à l’encontre d’un plaisantin qui avait osé solliciter, par email, une petite « inflation » auprès de Rachida Dati…
Suffisamment de commentateurs – parmi les plus célèbres – ont déjà développé toutes les considérations juridiques et politiques que cette affaire pouvait susciter. Bien que mon très modeste point de vue ne puisse donc apporter grand-chose de plus que ce que a déjà été dit, je ne vais pas me dispenser de l’exposer ici, sous un angle moins juridique qu’institutionnel.
Ce qui me semble en effet effrayant dans cette affaire n’est pas tant la question juridique de la caractérisation, ou non, de l’infraction d’outrage à une personne chargé de service public, que celle de la faillite de toutes les autorités en charge de la protection des libertés individuelles (au sein desquelles je compte la police judiciaire).
Personne ne peut en effet raisonnablement contester que, à supposer les faits reprochés au prévenu établis, il lui en coûterait au pire une condamnation à une amende symbolique, ce qui n’a pas empêché de mettre en œuvre une procédure avec arrestation à domicile, garde à vue prolongée, perquisition et saisie et, cerise sur le gateau, un contrôle judiciaire risible dans son principe et ses modalités...
Certains ont déjà vu dans cette affaire la « main du pouvoir ». Pour connaître assez bien les mœurs, tant du ministère de l’intérieur que de celui de la justice, j’ai pour ma part peine à penser qu’il y ait eu une quelconque intervention de ces ministres dans cette affaire, ou alors à un niveau très subalterne d leur entourage (on observera du reste que la position politique actuelle de Mme Dati rend une telle intervention peu crédible…).
Non, selon toute probabilité il n’y a eu là que l’illustration d’un zèle policier, soutenu et encouragé par des autorités judiciaires locales qui se sont montrées incapables de mettre en œuvre un principe de proportionnalité pourtant expressément prescrit dans le code de procédure pénale (et, il est vrai, allègrement oublié depuis lors par toutes les juridictions de France et de Navarre à commencer par la Chambre criminelle de la Cour de cassation)… Ce qui me semble beaucoup plus grave qu’une « simple » dérive du pouvoir que rien ne prouve dans cette affaire, c’est la faillite – quad à elle clairement démontrée – des institutions concernées – et des hommes et femmes qui en font partie.