Erreur judiciaire et risque social

Publié le par Cacambo

Maître Eolas signale à juste titre dans son blog un grand moment, injustement méconnu de démocratie parlementaire : l'audition de Mme le professeur Michèle-Laure Rassat devant la commission d'enquête "Outreau". Je ne peux qu'inviter tout un chacun à regarder la vidéo de cette audition (le compte-rendu écrit fait perdre 95 % de son "charme" à cet épisode mémorable quand on connait l'atmosphère ouatée et policée et de ces institutions).

Je ne vais pas répéter tout ce qui a été largement dit à ce sujet dans le blog ci-dessus cité. Il reste toutefois que la première réflexion de Mme Rassat (concernant le risque d'erreur judiciaire inhérent à toute vie en société) rejoint l'une de mes modestes miennes :

Cette "affaire d'Outreau" traduit une intolérance absolue face au risque d'erreur judiciaire qui ne semble en aucun cas admis comme faisant partie des "risques sociaux inéluctables". On peut trouver celà normal - et même salutaire au premier abord. Qui se satisferait d'innocents en prison ? Dans un second temps pourtant, au risque de me faire taxer de cynisme, on ne peut que constater que l'activité de justice - comme toute activité sociale - n'a aucune chance d'être parfaite et d'éviter toute forme d'erreur. Il y a chaque année plus de 400 000 condamnations prononcées pour crimes et délits si l'on en croit les statistiques du ministère de la justice (qui remontent à 2003 pour les plus récentes ce qui laisse songeur quant aux méthodes de suivi de l'activité judiciaire par le ministère de la justice soit dit en passant)... Qui peut raisonnablement croire qu'une telle activité peut être assumée sans générer aucune erreur ? aussi difficile que ce soit à accepter, il semble malheureusement très probable qu'un certain nombre d'innocents (qu'on espère tous aussi réduit que possible) soient en train de dormir en prison à l'instant où j'écris ces lignes.
 
Que l'on mette en oeuvre, ou non les réformes pronées par la commission d'enquête dite "Outreau", il me semble inenvisageable d'espérer réduire ce risque statistique à zéro. J'aurais aimé que nos députés l'admettent et je remercie Mme Rassat de l'avoir rappelé.
 
appendice: En tant que "pur administratif", je suis relativement à mon aise pour constater que l'on a rarementà à ma connaissance, déployé autant de moyens que ceux de la commission "Outreau" à l'occasion de chaque raté administrativo-politique, quels qu'en aient été les conséquences (cf. la "canicule", l'affaire du Crédit Lyonnais, telle ou telle "bavure" policière ou gaspillage financier en tout genre)... Je ne connais par ailleurs pas de cas où la responsabilité de tel ou tel fonctionnaire ou politique ait été montrée du doigt avec autant d'acuité que celle du juge Burgaud. Je n'ai pas de sympathie personnelle pour l'intéressé (et j'avoue ne pas bien comprendre en quoi, selon Mme Rassat, le fait qu'il soit sorti de Sciences-Po constitue un élément pertinent d'appréciation de sa responsabilité dans cette affaire), mais tout celà me laisse tout de même une certaine impression désagréable...
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F
<br /> L'erreur est certe possible dans tous les métiers, mais elle est plus ou moins grave. Savez vous que pour les salariés du privé des erreurs ou négligences graves peuvent dans certains cas, même<br /> si c'est peu fréquent, entraîner un licenciement pour faute grave ? Et<br /> dans d'autres cas, un licenciement pour insuffisance professionnelle.<br /> <br /> <br /> Un juge d'instruction devrait normalement instruire à charge et à décharge. Or ce n'est trop souvent pas vraiment le cas. Je n'ai bien sûr pas de statistique, mais il n'y a pas que le cas<br /> d'Outreau. Il ya, en fait, deux explication à cela : lo'organisation judiciaire et la charge de travail des magistrats en est une ; mais il y en a une autre qui relève de la mauvaise vision de<br /> leur travail par certains magistrats qui recherche la culpabilité et non la vérité. Ces derniers commettent une faute grave par leurs erreurs et leurs négligences, qui peuvent<br /> d'ailleurs conduire à la condamnation de l'Etat pour faute grave ou faute lourde.<br />
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P
<br /> <br /> Certes, mais le fait qu'il existe des accidents de voiture n'excuse pas la conduite en état d'ivresse.<br /> <br /> <br /> <br />
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P
Découvrez l'affaire des disparus de Mourmelon, catastrophe judiciaire qui a vue l'état Français condamné pour fautes lourdes le 26 Janvier 2005 :<br /> www.disparusdemourmelon.org<br /> Site trés documenté,recherche tout témoignage.<br />  
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E
la vidéo décape en effet voilà une femme étonnante !sa remarque sur sciences-po est très juste : les scpo qui entrent à l'ENM passent par leur bonne culture gé, mais démarrent une carrière avec un bagage technique fort léger.il est dommage que l'IEP entre une fois de plus en concurrence avec les établissements existants et vienne ainsi concurrencer les facs de droit après avoir achevé le cfj. je comprends qu'une prof de droit puisse regretter la disproportion de moyens.
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C
Il reste que je ne suis pas personnellement convaincu que le "bagage technique" soit ce qu'il y a de plus indispensable pour juger... cette affaire en est la preuve.
S
Sur le fait que M. Burgaud soit sorti de Sciences-Po constitue un élément pertinent d\\\'appréciation de sa responsabilité dans cette affaire:  Vous évoquiez il y a peu votre souhait que les magistrats administratifs et juristes d\\\'administration soient issus de l\\\'université et pas de l\\\'ENA. or la plupart des éleves de l\\\'ENA sont passés par Sc-po. Ce que vous préconisez pour la juridiction administrative ne vaudrait pas pour la judiciaire? L\\\'intervention de Mme Rassat renvoit à la question de l\\\'emprise souhaitée par ScPo sur le concours de l\\\'ENM, et de la place de l\\\'université, et de la culture juridique par rapport à la culture "gestionnaire" de notre magistrature...
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