Bayrou : le retour de la 4ème République ou la restauration de la 5ème ?
La critique favorite faite, à gauche et à droite, à l'encontre de François Bayrou consiste à dire que son élection se traduirait par un retour à la 4ème République honnie...Au plan strictement institutionnel, j'avoue ne pas bien comprendre l'argument car, au contraire, il me semble qu'on peut raisonnablement soutenir qu'un tel évènement permettrait sans doute de restaurer certains principes fondateurs de la 5ème République...
Nos institutions reposent en effet, et c'est leur originalité, sur une division de l'exécutif entre deux personnes. L'une, le Président, tenant sa légitimité (au moins depuis 1962) du suffrage universel direct. L'autre, le Premier Ministre, la tenant de sa désignation par le Président (pour l'essentiel) et de la confiance de l'Assemblée (ou tout au moins de la non censure de son gouvernement par celle-ci). La logique des institutions s'oppose certes clairement à l'idée de la "cohabitation", entendue comme la coexistence d'une majorité parlementaire opposée au président (encore que l'honnèteté oblige à constater que les institutions n'ont pas si mal fonctionné durant les différentes périodes de cohabitation que nous avons connu). Pour autant, rien dans ces mêmes institutions ne permet d'estimer que leur fonctionnement dépend d'une identité absolue entre le Président et la majorité parlementaire (les circonstances politiques en 1958 ne permettaient évidemment pas d'espérer aux gaullistes d'éspérer détenir la majorité parlementaire à eux seuls). A cet égard, l'absence d'opposition entre la majorité parlementaire et présidentielle ne signifie pas nécessairement identité complète de vue entre les deux et, si on peut ne pas partager le souhait de M. Bayrou de constituer un gouvernement de coalition, il me semble difficile (surtout aux gaullistes "historiques") d'affirmer qu'un tel programme serait contraire à l'esprit de la 5ème république. On notera en passant que les socialistes oublient également un peu vite qu'ils ont gouverné selon une telle logique entre 1988 et 1993.
J'irai même jusqu'à considérer que c'est cette identité absolue entre les majorités présidentielles et législatives, présentée aujourd'hui comme un optimum à atteindre, qui est en grande partie à l'origine de la dérive "absolutiste" de la 5ème République. Pour illustrer ladite dérive, je citerai une déclaration entendue d'un député qui, à l'occasion de l'élection du nouveau président de l'Assemblée Nationale, déclarait benoitement que le président de l'Assemblée qui sera élu au "perchoir" après les élections devra être désigné "en accord avec le président de la République"... Dans ces conditions effectivement, on peut se demander à quoi celà sert-il de séparer les pouvoirs et, par exemple, autant donner immédiatement au Président de la République le droit de désigner le président de l'Assemblée Nationale et de nommer 6 membres sur 9 du conseil constitutionnel et du CSA... Par ailleurs, l'intention que l'on prête, à tort ou à raison, M. Sarkozy de rester président de l'UMP après son éventuelle élection à la présidence de la République me semble également caractériser une atteinte à l'esprit des institutions autrement plus grave que celle d'une éventuelle élection d'un président sans majorité parlementaire à sa botte...
Dans ces conditions, j'estime pour ma part que l'éventuelle élection de M. Bayrou serait donc plutôt une bonne nouvelle pour les institutions françaises. Quel que soit le résultat ultérieur des législatives, un tel président indépendant de la majorité parlementaire conduirait en effet necéssairement à une importance accrue du parlement tout en assurant l'existence d'un contre-pouvoir présidentiel stable susceptible d'assurer un certain équilibre des pouvoirs. Loin d'être contraire à l'esprit de la 5ème République, je pense qu'une telle situation correspond au contraire à sa logique institutionnelle historique. Celà permettrait peut-être de créer ainsi les circonstances permettant un rééquilibrage des pouvoirs tout en s'épargnant une ènième réforme constitutionnelle...